Evénement de cette édition d’Art Basel, ce festival de sculptures
vivantes se visite dans une architecture d’Herzog & de Meuron. Il
soulève d’importantes questions éthiques.
Bien sûr, il y a déjà eu des pièces performatives, des
installations incluant des hommes ou des femmes dans les éditions
précédentes d’Art Basel – qui, pour cette année, ouvre demain ses portes
au public – mais jamais on a aussi clairement mis l’accent sur cette
forme d’art. «14 Rooms» est une occasion exceptionnelle
de s’interroger sur la place du vivant dans l’art d’aujourd’hui. C’est
l’ouvrage commun de deux commissaires de haut vol, Klaus Biesenbach,
directeur du MoMA PS1 et curateur du MoMA à New York, et Hans-Ulrich
Obrist, codirecteur de la Serpentine Gallery de Londres. Dans une
présentation à la presse mardi, ils en faisaient remonter les origines à
des heures de conversation lors d’une rencontre nocturne dans un train
lancé à travers l’Europe voilà plus de vingt ans. Ce ne sont pas des
cabines de train de nuit qui constituent la grande halle de l’événement
bâlois, mais on retrouve quelque chose de l’intimité forcée de ces
voyages au long cours.
«14 Rooms», qui
est le développement d’épisodes mineurs inaugurés à Manchester en 2011,
ce sont autant de portes distribuées autour d’un grand hall central, des
portes miroir, qui donnent aux visiteurs l’occasion de se voir avant de
voir. Car, ici, on s’en rendra compte, la question du regard, et même
du voyeurisme, est essentielle. Les architectes Herzog & de Meuron
ont soigné les détails. Pour entrer, il faut tourner une poignée au
design ancien qu’on sent bien dans la main quand on la tourne. Avec, à
chaque fois, une petite appréhension, comme quand on assiste à un
spectacle dont on sait que le metteur en scène aime mettre le public à
contribution. Que va-t-il nous arriver? Notre réaction sera-t-elle
adéquate?Klaus Biesenbach se souvient de ce moment dans le processus de réflexion autour du projet où Hans-Ulrich Obrist l’a appelé au téléphone alors qu’il visitait la Villa Borghèse à Rome. Le gardien a interrompu le téléphone alors qu’il n’y avait que des statues, corps de pierre inanimés autour de lui. Plus tard, les deux hommes se sont rappelés à l’extérieur du musée. Or, il y avait là une de ces sculptures vivantes peintes en bronze, telles qu’on en voit dans les rues et qui baissent le regard ou articulent un merci quand vous mettez une pièce dans la soucoupe à leurs pieds. Certains de ces animateurs de rue prennent des poses improbables grâce à des soutiens cachés dans leurs vêtements. L’un des artistes invités, le Chinois Xu Zhen, joue aussi avec ce stratagème. Les pieds de son performeur – ou de sa performeuse, c’est un relais – semblent à peine posés au sol, et tout le corps est plié en arrière, semblant flotter.
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